Peur sur la ville

Quand nous habitions Toulouse, je me souviens m'être battu contre les mites alimentaires (Ephestia kuehniella pour vous faire peur). Ces espèces de papillons souillaient la nourriture avec leurs œufs et venaient nous narguer à chaque apéritif. Je me rappelle du vol rapide et désordonné du mâle alors que, maîtrisant son vol linéaire, la femelle nous démontrait sa supériorité.

À l'époque, j'organisais des chasses à la mite muni d'un torchon, un outil à la fois efficace et écologique.

Puis la chasse devint automatique et obsédante, la guerre était déclarée : pièges à phéromone, nourriture en bocaux, nettoyage de chaque étagère et torchon à portée de main. Mon esprit était toujours en alerte, près à intervenir au moindre battement d'aile suspect. J'étais atteint de la psychose de la mite.

Cela fut un combat de plusieurs mois, sacrifiant beaucoup de nourriture et particulièrement le chocolat dont malheureusement les mites raffolaient. Je suis vite devenu un expert en matière de détection de mite, j'en voyais partout, au supermarché, chez les amis et même parfois dans mes rêves.

la punaise de lit
Ici, à Montréal, ce n'est pas la mite qui terrorise les habitants, mais la PUNAISE DE LIT (Cimex lectularius). On en entend beaucoup parler dans les médias et la semaine dernière, pour la première fois, je l'ai vue. Contrairement à la mite alimentaire, la punaise se nourrit de sang humain qu'elle vient ponctionner durant notre sommeil. Elle déteste la lumière mais l'ail n'a aucun effet sur ce parasite qui survit à une température comprise entre -10°C et +55°C.

C'est d'abord un voisin qui m'interpelle lors d'un retour de soirée, en me signalant tout affolé, que certains locataires de l'immeuble mitoyen étaient atteints de ce mal incurable que sont les punaises de lit. Un peu dubitatif par rapport à l'insistance du dit voisin, je me suis assis devant mon écran pour m'informer sur cette chose auprès de Dieu le père, j'ai nommé Google.

Quelques heures plus tard j'étais à quatre pattes autour du matelas, en train de scruter le moindre pli à la lampe de poche. La psychose s'emparait à nouveau de moi. Depuis plusieurs semaines, quelques collègues me parlaient de cet insecte indestructible ; tout le monde a une expérience à partager et généralement, c'est une expression de terreur qui accompagne son récit.

La même semaine, ma belle-mère m'explique qu'elle se fait piquer la nuit, en me montrant ses bras boursouflés à quelques endroits. Un peu aidé par la phobie ambiante, le diagnostique tomba rapidement : le mal des grandes villes était entré chez mes beaux parents. C'est bien évidemment sous le lit que nous avons aperçu les premiers spécimens, certains gorgés de sang neuf, prêts à pondre, d'autres guidés par leur instinct, prêts à remplir leur abdomen d'hémoglobine. Nous avons passé le lit à la vapeur avec le fer à repasser, puis à l'eau bouillante ou savonneuse, ensuite les tiroirs ont été vidés, tous les vêtements lavés à haute température, mis en sac, tout a été aspiré méticuleusement en attendant l'intervention de l'expert.

L'exterminateur est passé hier, trouvant la source du problème : une valise qui arrivait tout droit de l'hôtel « Métropole » de Bruxelles. Le même hôtel où en juin dernier, j'avais croisé Iggy Pop dans les couloirs. Peut-être que lui aussi est en train de vivre la psychose de la punaise...


Allons nous culturer!



Pour me défendre du manque d'assiduité sur la tenue de mes tribulations montréalaises, j'invoque la mise en pratique de nouvelles résolutions. On habite en ville, avec le bruit des voitures et du métro, la pollution visuelle publicitaire, le smug, les voisins très proches et l'odeur fétide d'ordure ou de fumée.

Souvent, ces inconvénients sont balancés avec l'avantage d'être à proximité de tout : des restaurants, cinéma, concert et autres bars à bières. Évidemment, comme beaucoup de gens, on ne profite que rarement des bienfaits de la ville que l'on dresse comme un rempart à toute idée de s'exiler à la campagne.

Depuis un mois, les choses tournent, danse contemporaine, cinéma expérimental, concours de guitare héros, concert de jazz et bientôt 14 séances de cinéma du Festival du Nouveau Cinéma viendront rompre la malédiction du citadin casanier.