Le Père Noël se dégonfle

C'est encore et toujours la température qui occupe mon esprit à cette heure. Après les -20°C du milieu de semaine, le mercure s'invite, comme en souvenir du printemps, à la dixième trace au dessus du 0°C de mon thermomètre. Dame Nature nous a gratifié,certainement en hommage au 100e anniversaire de l'équipe montréalaise de hockey sur glace, d'une nouvelle patinoire de qualité exceptionnelle. Deuxième sortie de piste pour les crampons qui vont peut-être finir par être mes amis. Ce soir on a même droit à un bonus vent de 85 km/h qui nous souffle à l'oreille que Noël n'est pas la bonne saison pour le camping.

Noël est terminé, personne n'a échappé à la traditionnelle dinde, également à la mode outre-atlantique. Abondance de nourriture, de vin, de cadeaux ; de l'extra loin de l'ordinaire. Noël c'est aussi l'occasion de se saluer plus chaleureusement qu'à l'habitude avec mes camarades fonctionnaires. Ici on a droit à un bisou de Noël avec la gente féminine et à une poignée de main vigoureuse de la part des collègues mâles. Cette occasion spéciale me rappelle soudain qu'ici on dit généralement bonjour à 1 mètre de distance, sans aucun contact physique. Plus le soleil brille, plus les gens sont chaleureux et ici le soleil se couche à 16h00 avec des températures plus basses que la plupart des congélateurs.

Enfin Noël a une durée particulière en Amérique du nord. La naissance de Jésus célébrée le 25 décembre ne contente pas complétement tous les croyants du dieu dollar. Il existe donc, pour tous les friands de crédit à la consommation, les allumés de la libération par le shopping, une journée bonus, fêtée avec beaucoup de dévotion, j'ai nommé le "Boxing Day". Une journée exceptionnelle de solde au milieu des soldes exceptionnels de Noël. Cette mise en abîme du portefeuille a tellement de succès qu'apparemment elle dure une semaine, jusqu'au fameux 31 décembre, autre unique occasion de relancer l'économie.

Signaux De Fumée!

Si la France vient récemment d'interdire toutes formes de fumée dans les lieux publics, au Québec la loi remonte à mai 2006. Cette interdiction s'applique évidemment dans tous les bars, restaurants, taxis, centres commerciaux, mais également aux aires communes des immeubles comportant plus de 6 unités de logement et, apparemment, aux abris bus. Elle interdit aux mineurs d'acheter le moindre paquet et à tout fumeur de souffler sa boucane à l'intérieur et "à l'extérieur dans un rayon de 9 mètres de toute porte communiquant avec un établissement de santé et de services sociaux, d'un établissement d’enseignement de niveau postsecondaire, ainsi qu’un lieu où se déroulent des activités destinées aux mineurs".

La première question qui me vient en tête, c'est pourquoi 9 mètres? Des ingénieurs ont dû faire des calculs d'une complexité extrême. Il a certainement fallu tenir compte de la vitesse moyenne du vent aux abords des centres scolaires en rapport à la dilution des substances toxiques contenues dans le volume air ambiant d'une Marlboro Light incandescente, à 1 pouce du filtre, à une hauteur de 2 pieds au dessus du niveau de la mer. Peut-être que 9 mètres est un chiffre rond en pouces ou bien peut-être que le génial créateur de cette loi, à l'aide d'un vieux subterfuge du chiffre "pas tout à fait parfait" pensait que personne n'oserait remettre en question ce résultat qui ne pourrait être que l'aboutissement d'une longue étude de terrain menée par des experts consciencieux. Ce coup fumant patent permet ainsi d'oublier le ridicule de promulguer une loi d'interdiction de fumer en extérieur. Ce député possède-t-il éventuellement une usine de panneau signalétique ou encore est-il un dangereux extra-terrestre préparant une invasion de jupitériens bouffeurs de cerveaux prépubères, allergiques à la nicotine dont l'atterrissage télékinésique nécessite 8.5 mètres, ceci laissant 0.5 mètre de tolérance à un éventuel coup de vent rabatteur de fumée? Le mystère demeure.

Le Crampon Sonne Le Verglas

La neige fait désormais partie du quotidien et je peux apprécier ses différents aspects et textures à chaque sortie hors du foyer; ce refuge calme et chaleureux, étanche aux pluies verglaçantes et solide rempart au vent corrosif.

Il a d'abord neigé tendrement, flocons lourds et humides, puis le grésil a plaqué 1 cm de glace sur les premiers 20cm de neige. Ensuite une deuxième couche de flocons a recouvert le miroir sur 10 cm et la glace disparut au milieu du sandwich pour mon plus grand bonheur. Il est très agréable de sentir s'écraser les différentes strates sous le poids de chaque pas.

Loin du 0°C, le froid maintient sans problème la stabilité des molécules d'eau, la surface se raffermit on dirait que la neige se rétracte, elle craque plus sèchement sous la chaussure. Malheureusement, le thermomètre a plafonné dans le rouge dès le lendemain jusqu'au 8°C, accompagné d'une pluie qui fut fatidique à la croûte du sandwich. La neige tassée par les pas et diluée par la pluie figea quelques heures plus tard quand le froid réapparut.

Le résultat fut à la hauteur de mon imagination. Les trottoirs se sont transformés en patinoire et j'ai confirmé mon incapacité à apprivoiser cette surface. Il fut dur de voir des personnes me doubler, marchant le plus naturellement du monde alors que je m'accrochais au moindre poteau ou rétroviseur pour avancer de quelques centimètres. Baskets aux pieds, ils maîtrisaient leurs glissades de quelques rotations de l'avant de la chaussure, tout en crachant dans leur Blackberry de Noël. Moi je scrutais la moindre petite apparition de béton comme un naufragé lorgne une île déserte, pour m'offrir les quelques secondes de répit nécessaires à la remise en place des sens. Une fois l'objectif atteint, la tension des muscles s'est relâchée suffisamment pour à la fois éprouver du repos et prévenir du moindre déséquilibre.

Cette expérience intéressante m'a persuadé de l'utilité des crampons que je me suis procurés pour l'aberrante somme de 40 dollars, prix de la dernière minute, constaté devant des rayons vidés par de plus précautionneux que moi. Malgré une adhérence légèrement supérieure, leur efficacité n'est pas à la hauteur de mes espérances et le fait de devoir les retirer à l'intérieur sous peine de glissade, leur octroient peu de confiance et de reconnaissance de ma part. Je n'ai plus de doute, Dame Nature a des actions chez les fabricants de crampons.

Nouvelles en pagaille


À ma gauche, lundi 8 décembre, jour d'élection provinciale au Québec, le thermomètre affichait -20°C (-31°C avec le facteur vent). Peu motivé, ou très refroidi, les Québécois ont boudé le vote. Le taux de participation de 57% des inscrits restera dans l'histoire. La démocratie c'est beau, mais encore faut-il être représenté. Il est quand même important de souligner que la gauche entre au Parlement, avec 1 élu sur les 125 députés qui siègent à Québec.

À ma droite le 10, après ma première tempête de neige. Le paysage s'est soudain transformé, moins de bruit, moins d'odeur et moins froid. Depuis plus d'un mois, tout le monde en parlait, les prospectus de la ville annonçaient fièrement qu'ils étaient prêts, qu'après les records de précipitations de l'année dernière, rien ne pouvait effrayer le contingent de déneigement. Ma courte expérience ne me permet pas de juger de l'efficacité dont ils ont fait preuve, mais j'ai été surpris par les difficultés de circulation engendrées par l'accumulation des premiers 20 cm de neige. Les bus roulaient au pas et laissaient les passagers descendre dans les bancs de neige, résultat du nettoyage de la route. Je ne suis pas surpris qu'ici on privilégie le dégagement de la chaussée à celui des trottoirs.

Bonjour Gros Con!

La taille démesurée du pays m'a toujours un peu fasciné. Tout est énorme en Amérique du nord, les routes, les appartements, les assiettes, les poubelles, les camions, les télévisions, les gens et les appareils électroménagers, auxquels j'apporte toujours un regard particulier en raison du temps que j'ai passé à les observer. Tout est ainsi proportionné ou disproportionné comme pour aspirer plus d'objets inutiles et accumuler indéfiniment du matériel, à tout prix et surtout à crédit. Je consomme donc je suis, restera le mot d'ordre de tout citoyen désireux de sauvegarder son identité au sein de son groupe social.

Pour faire partie de ce groupe, j'ai observé une règle de base, un comportement essentiel à son intégration. En aucun cas, on ne doit prononcer le mot bonjour, particulièrement aux inconnus, même s'il s'agit d'un voisin ou d'une personne que l'on croise régulièrement. Je ne me considère pourtant pas comme un fidèle apôtre du manuel de savoir vivre de madame de Rothschild, mais mon éducation m'a inculqué que l'acte le plus élémentaire de respect envers un autre être humain, commençait inévitablement par le salut.

J'étais loin d'imaginer que cette coutume locale aurait un impact sur mes voisins arabes ou africains, lesquels je pensais, pratiquaient le salut de manière parfois exagérée. Qu'il soit blanc, noir ou bronzé, j'ai vérifié la même réaction chez chacun d'entre eux. Un simple bonjour peut générer un regard interrogatoire instantané, pétrifiant sur place le destinataire, lui paralysant la bouche légèrement ouverte et expulsant les yeux vers l'avant, marquant la stupéfaction ultime. Le coup assomme généralement deux ou trois secondes, puis l'individu referme la mâchoire inférieure et reprend son activité, comme s'il avait été frappé d'amnésie.

À chaque fois, j'ai l'impression que ce court moment hors du temps n'a jamais existé et qu'il appartient à une dimension parallèle. Peut-être un extra-terrestre pratique le nettoyage cérébrale instantané à chaque fois que la fréquence du mot bonjour résonne. D'où vient cette coutume? Depuis combien de temps sévit-elle? Vais-je moi aussi me résigner et adopter cette pratique?

Dans le Pâté

Dans la catégorie gastronomie, je vous présente le "pâté chinois". Ce plat, comme son nom ne l'indique pas, est typiquement québécois, si l'on en croit la légende. Pour la petite histoire, les chinois à qui on avait gentiment confié la construction du chemin de fer, se nourrissait exclusivement de steak, de pomme de terre et de maïs. Puis un jour, les denrées ont manqué et un artiste au talent incommensurable eut l'intelligence de réunir le tout dans un seul et même plat; le pâté chinois était né. La recette est aussi simple que son histoire. Il s'agit, n'en déplaise aux inconditionnels titilleurs,d'un hachis parmentier, auquel on ajoute un ingrédient insolite, le maïs en crème. Cette substance immortalisée sur la photo si-dessus, s'intercale stratégiquement entre la viande haché et la purée de patate. Il est important de souligner que le maïs en crème se décompose de maïs, eau, sucre et amidon de devinez quoi.