0 de conduite!




   Le 9 novembre dernier, La Presse publiait un texte de L.F., aide-bibliothécaire à la Bibliothèque Interculturelle de Côte-des-Neiges. Il s'agit donc d'un de mes collègue, employé comme moi de la ville de Montréal. Dans cet article, il était question de l'entrée en force du DVD dans les bibliothèques, de leur popularité et de leur place au sein des collections. L'auteur y décrivait son sentiment : celui de
devenir un employé de vidéothèque et de ne plus servir à l'enrichissement culturel de la population. Audelà de cela, il posait la question de la mission d'une bibliothèque municipale et de sa place au sein de la société.

   Ce texte d'opinion se voulait être l'avis d'un employé sur le devenir de son travail, l'expression d'un sentiment personnel sur une situation vécue quotidiennement. La réaction ne se fit pas attendre et dès le 11 novembre, une réponse du chef de division culture de l'arrondissement était publiée dans ce même quotidien. L'article de L.F. avait suscité des réactions, tant au sein des bibliothèques et de leurs employé, qu'au niveau de la ville. Et comme il est, visiblement, difficile d'exprimer librement une opinion, les conséquences du geste de L.F. ne se firent pas attendre!

   Selon le Guide de conduite de l'employé de la ville de Montréal – signé le 22 avril dernier par le comité exécutif de la ville -, « la publication de textes et les entrevues sur des sujets liés à l’exercice des fonctions de l’employé ou aux activités de la Ville doivent préalablement faire l’objet d’une autorisation de la direction dont il relève ». Or, le texte soumis à La Presse ne l'avait pas été. Par conséquent, L.F. écope d'une suspension de trois jours de travail pour le non respect du dit guide et pour propos diffamatoires.

   Là, j'ai envie de dire: « C'est dégueulasse! » J'ajouterai même, je suis tout à fait en accord avec les propos de mon camarade.

   À partir de ce point, suis-je moi aussi passible d'un avis disciplinaire? Pour vérifier, rien de plus simple, il suffit de me dénoncer sur la nouvelle « ligne d'éthique ». Une ligne téléphonique entièrement dédiée aux dénonciations pour « prévenir et détecter des activités abusives et frauduleuses des fonctionnaires de la ville de Montréal ». Et ne vous inquiétez pas, ce service gratuit garantit l'anonymat du délateur, alors ne vous gênez pas.

L'art de casser les bonbons


  Spécialistes de la chasse, certainement issus d'un passé de trappeur, les québécois sont les rois pour désorienter leur proie et semer la confusion du touriste ou du nouvel arrivant. 

   Au pied du Mont-Royal, qui est une colline au centre de Montréal - que l'on appelle "la montagne"- s'étend d'un côté le plateau Mont-Royal et de l'autre, ville Mont-Royal. Le plateau, célèbre ancien quartier populaire, nouvellement repeuplé de "bobos" français, est traversé par la rue Mont-Royal qui a donné son nom également à la station de Métro Mont-Royal. On attribue d'ailleurs le nom de Montréal, à une citation de Monsieur Champlain, qui se serait écrié, en regardant la montagne, certainement un lendemain d'abus de boisson, " Ce mont est royal".

  Au cœur de l'île de Montréal, il existe donc une ville "reconstituée", indépendante de la ville de Montréal: Ville Mont-Royal. 

   Forte de ses 20.000 habitants, cette ville de l'agglomération de Montréal, reste une citée pavillonnaire riche à majorité anglophone où les touristes comme vous et moi ne s'aventurent pas, faute d'intérêt.

  Pour bien marquer sa spécificité, ville Mont-Royal a érigé un grillage le long du boulevard Acadie. Cette barrière sépare  ainsi physiquement le quartier de Parc-Extension de cette ville royale, et immunise ses habitants du plus grand mal qui habite ce lieu populaire: la pauvreté de la promiscuité.

  Par chance, des portes permettent de franchir le grillage et offrent un accès aux habitants de ville Mont-Royal aux échoppes indiennes et pakistanaises qui animent le quartier. Chaque année pourtant, quand vient le soir d'Halloween, paradis des enfants et fête familiale par excellence, les portes se referment, empêchant toute intrusion d'étrangers sur la terre des nantis. Les enfants pauvres restent de leur côté et apprennent à leur dépend ce qu'est une classe sociale.

   Vivement Noël! pour la piqûre de rappel. 

Montréal: une île, une ville



Montréal est une grande île, on peut dire "l'île de Montréal", mais dès que l'on parle de la "ville de Montréal", les choses se corsent sévèrement.

En fait, l'île de Montréal est constituée aujourd'hui de 19 arrondissements et 16 municipalités. Il existe aussi l'agglomération de Montréal regroupant l'île de Laval au nord, quelques villes au sud et 69 îles entourant la grande - celle de Montréal bien sûr.

La géographie de la ville de Montréal est toute récente et il n'est pas facile de se retrouver dans ce dédale administratif.

Le 1er janvier 2002, une loi gouvernementale obligeait 27 municipalités à se rattacher à la vieille ville de Montréal (la loi des fusions). Mais en 2004, après que les libéraux aient pris le pouvoir au provincial, un referendum fut accordé à 22 municipalités pour autoriser celles-ci à redevenir indépendantes (l'accord sur les dé-fusions). 15 d'entre-elles, évidemment les plus riches, retrouvèrent leur autonomie et une nouvelle appellation: les villes reconstituées.

Du côté des institutions, c'est évidemment une vraie usine à gaz, il existe des conseils à tous les paliers et chaque service public dépend de différentes sociétés municipales, para-municipales, d'arrondissement ou de ville.

Pourquoi faire simple?

Tremblay! Pauvres moutons!

   Le week-end dernier, c'était Halloween. Les citrouilles, les bonbons, les sorcières, les enfants maquillés et surtout les élections municipales au Québec. Le maire de chaque ville est élu pour quatre ans et ne connaît pas de limite mandataire.
   À Montréal, il étaient trois en lice pour le poste de Maire: M.Tremblay, maire sortant d'un parti de droite classique avec déjà deux mandats derrière lui, Mme Harrel, ex-ministre et ex-députée du Parti Québécois (souverainiste) au niveau provincial, et M. Bergeron, conseiller municipal, plus ou moins écolo de gauche se présentant pour la seconde fois aux élections municipales de Montréal.  
   Les élections, on en entendait parler depuis quelques mois, certaines affaires douteuses sortaient sur le maire et sur l'ex-ministre; puis des affiches habillaient les bus dès le début de l'automne. Le gouvernement investit un million de dollars dans une campagne d'incitation au vote : des affiches, des signets, des encarts dans les journaux et des spots télévisés; personne ne pouvait dire qu'il n'était pas au courant.
   Ici, je n'ai pas encore le droit de vote, mais je me suis un peu intéressé au sujet, aussi bien en tant que curieux, que citoyens en devenir ou que fonctionnaire de la ville de Montréal. Dans l'air, je sentais qu'un changement était possible, surtout après qu'un gros scandale de collusion avec la maffia avait éclaboussé le maire. Tout est allé crescendo et durant la dernière semaine de campagne, un ancien conseiller, passé d'un parti à un autre, s'est fait virer et a balancé tous ses anciens petits camarades en dénonçant le système de financement occulte des partis politiques québécois. C'était l'apothéose : enfin quelques chose de palpitant.
   Nous avons attendu les résultats tranquillement et vers 1h00 du matin,  le verdict est tombé : M. Tremblay est réélu.

   Le taux de participation a été de 39%, exactement le même qu'en 2005 - ce qui fût le taux le plus bas de l'histoire municipale montréalaise. Le Québec enregistre, lui, un taux de participation de 45%.
   Je ne suis pas sociologue, mais j'attends avec impatience les raisons profondes de cette catastrophe démocratique. Les Montréalais ont-ils été écœurés par la corruption au point de tout laisser faire? Ont-ils encore une conscience politique?  Ont-ils une tête de cochon plus forte que l'influence médiatique? L'individualisme capitalistique a-t-il eu raison du collectif? Se sentent-ils encore Montréalais? Se sentent-ils encore citoyen ou humain? Ou suis-je en plein choc culturel?
  Quelques journalistes évoquent l'idée d'une élection à deux tours, ou bien d'un vote obligatoire comme en Belgique ou en Australie. Moi, je propose un service de taxi qui viendrait prendre les gens par la main, et des bulletins de vote pré-remplis pour faciliter l'exercice d'une démocratie qui n'a plus vraiment de sens.